Billets littéraires
L’année 2020 a été très particulière, ceci n’est pas très original. Elle a toutefois été riche d’un point de vue littéraire. Nous vous présentons ici trois billets autour de trois nouveaux livres qui nous apparaissent intéressants. Ces ouvrages peuvent être saisis comme des portes d’entrée originales à l’œuvre de Houellebecq.
BEGOUT Bruce. Le Concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020, 408p.
Bruce Bégout est un philosophe et, plus précisément, un phénoménologue. Cette branche de la philosophie est souvent considérée comme très complexe, voire impossible à appréhender pour des non initiés. Bégout a toujours fait l’effort de ramener la phénoménologie à des sujets du quotidien. Il est d’ailleurs parfois qualifié de « phénoménologue du quotidien ». Dans Le Concept... show moreBillets littéraires
L’année 2020 a été très particulière, ceci n’est pas très original. Elle a toutefois été riche d’un point de vue littéraire. Nous vous présentons ici trois billets autour de trois nouveaux livres qui nous apparaissent intéressants. Ces ouvrages peuvent être saisis comme des portes d’entrée originales à l’œuvre de Houellebecq.
BEGOUT Bruce. Le Concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020, 408p.
Bruce Bégout est un philosophe et, plus précisément, un phénoménologue. Cette branche de la philosophie est souvent considérée comme très complexe, voire impossible à appréhender pour des non initiés. Bégout a toujours fait l’effort de ramener la phénoménologie à des sujets du quotidien. Il est d’ailleurs parfois qualifié de « phénoménologue du quotidien ». Dans Le Concept d’ambiance, Bruce Bégout s’intéresse à ce que nous nommons l’ « ambiance » qu’il dit comme le « dôme invisible sous lequel se déroulent toutes nos expériences ». Le philosophe met en perspective plusieurs disciplines pour analyser ce concept et sa lente dégradation dans l’univers contemporain.
L’ouvrage de Bruce Bégout est remarquable. Il aborde une notion nouvelle et c’est ce qui le rend passionnant. Parfois un peu technique et ardu, il n’en reste pas moins très stimulant intellectuellement. Ce livre nous apparaît intéressant pour les lecteurs de Houellebecq. En effet, ce qui ressort dans les avis sur notre auteur (cf. l’enquête que nous avons menée auprès des étudiants de l’université de Montpellier III) c’est qu’il fait bien ressortir « l’ambiance de l’époque ». L’ouvrage de Bruce Bégout est un bon moyen de mieux comprendre ce que l’on veut dire par là et, en ce sens, de mieux comprendre le succès de Michel Houellebecq.
MURRAY Philippe. L’Empire du Bien, Paris, Perrin, 2020, 160p. (Tempus)
L’Empire du Bien est un ouvrage écrit par Philippe Murray en 1991 et réédité en 2020 par les éditions Perrin. Dans ce livre, que l’on peut qualifier de pamphlet, Philippe Murray s’attaque aux travers de notre époque. Il dénonce le politiquement correct, la volonté de fête permanente, l’art contemporain, la morale, etc. Tout cela est regroupé sous la notion d’ « Empire du Bien » entendu par Murray comme une sorte de religion moderne qui induit une foi indélébile dans le progrès et qui engendre un individu Roi.
L’ouvrage de Philippe Muray est à lire. Il est très bien écrit et l’auteur fait preuve d’une ironie grinçante qui rend le livre souvent drôle. Toutefois, la détestation de l’époque par Philippe Murray devient rapidement lassante. Tout jugement moral lui est insupportable. Toute critique de l’industrie de la pornographie ou du machisme est, pour lui, de l’ordre de la censure et d’une époque moralisatrice, alors qu’elle est, pour nous, de l’ordre d’une critique constructive et nécessaire. L’Empire du Bien est donc un livre un peu caricatural, d’un auteur « anarchiste de droite », mais dont on aurait aimé un peu plus de nuance et d’espérance.
Sans que cela ne nous étonne, Houellebecq est un lecteur admiratif de Murray. On y retrouve sa détestation de l’époque et sa volonté de se couper du monde contemporain. Lire Murray peut être un bon complément de lecture de Houellebecq même si nous conseillons à nos lecteurs de ne pas lire que ce type d’ouvrage au risque de ne plus rien voir de positif dans ce qui nous entoure.
SADIN Éric, L’ère de l’Individu tyran: la fin d’un monde commun, Paris, Grasset, 352p.
Eric Sadin est un philosophe spécialiste des questions de numérique et des réseaux sociaux. Dans La Tyrannie de l’individu, Sadin montre en quoi l’arrivée d’internet et du téléphone portable dans les années 2000 on fait naître un individualisme grandissant dans la société.
Livre remarquable et très intéressant, La Tyrannie de l’individu est un livre de philosophie qui se lit très bien. L’analyse des réseaux sociaux y est brillamment développée et l’approche philosophique du problème est originale. Sadin aborde la notion importante de « monde » entendue comme un ensemble d’idées et de perceptions qui se partagent et se communiquent. Avec l’avènement des réseaux sociaux, Sadin montre bien qu’à la place d’un « monde commun » s’est substitué un ensemble de « mondes » différents les uns des autres et qui ne communiquent plus.
Ce livre permet d’apporter une grille théorique à l’œuvre de Michel Houellebecq. En effet, notre auteur montre bien l’individualisme grimpant à l’heure du téléphone portable et d’internet. Cet individualisme cache souvent en réalité un isolement, la mise en avant de son « propre monde » coupé du monde réel et d’autrui. Lire Sadin aide donc à mieux comprendre Houellebecq.